RECOMMANDATIONS - COVID-19


Recommandations pour la prise en charge chirurgicale des cancers gynécologiques en période de pandémie COVID-19
Groupe FRANCOGYN pour le CNGOF

Ces préconisations seront évolutives en fonction des données de la littérature.
Le contexte pandémique actuel et la saturation des services de réanimation imposent de reconsidérer nos indications thérapeutiques. Il convient également de limiter le risque d’infection chez les patients atteints de cancer sans prendre de risque majeur quant à l’évolution de la maladie cancéreuse dans les 2 à 3 mois. Deux précautions paraissent importantes : limiter les situations à risque très élevé que sont la chirurgie et la chimiothérapie, limiter les contacts et en particulier avec les lieux de soins.

Si l’objectif prioritaire reste la prise en charge thérapeutique des patientes atteintes de cancer gynécologique pelvien, toutes les alternatives à la chirurgie doivent être considérées. En particulier, la balance bénéfice risque des gestes chirurgicaux doit être analysée au cas par cas et en RCP, en prenant en compte le risque de perte de chance que pourrait induire une stratégie alternative qui n’aurait pas fait ses preuves. L’objectif prioritaire est d’éviter les complications post opératoires et le recours aux soins intensifs post-opératoires qui pourraient en découler et en particulier l’occupation d’un lit de réanimation. Cependant, il convient, autant que possible en fonction de la saturation de la structure de soins liée au COVID-19, de privilégier une prise en charge classique, sans différer les séquences thérapeutiques.

  • Les patients atteints de cancers sont à risque plus élevés (4 à 8 fois) de complications respiratoires sévères liées au COVID-19, développées rapidement, et de décés ; ce d’autant qu’ils auront reçu une chirurgie ou une chimiothérapie dans les semaines qui précèdent, mettant en jeu leur pronostic vital, en plus du risque lié au cancer. Ces patientes doivent mettre un masque et utiliser la SHA dès lors leurs venues à l’hôpital.

  • 1) Soit curatives pour les maladies localisées, ou pour certains cancers avancés/métastatiques caractérisés par une sensibilité particulière aux traitements ou une histoire de la maladie qui les rendent curables par traitement médical, chirurgical ou radiothérapeutique.

    2) Soit palliatives (non-curatives) pour les maladies trop avancées pour être curables. La priorisation dans le choix des patients à prendre charge devra intégrer la nature de la stratégie thérapeutique (curative versus palliative), l’âge des patients, l’espérance de vie estimée, et le caractère récent ou non du diagnostic.

    Pour les prélèvements anatomopathologiques, compte tenu de la durée d’incubation et du pourcentage de patients asymptomatiques, tous les prélèvements sont à considérer comme potentiellement infectés. Une publication récente a montré que la fixation dans le formol permettait d’inactiver le virus COVID-19. Le risque de toxicité lié à l’exposition au formol apparait moins grave que celui lié à la manipulation de tissu frais non fixé potentiellement porteur de COVID-19. Les prélèvements opératoires de patientes inclues dans des essais cliniques pourraient être, si besoin, acheminés à l’état frais au laboratoire en prenant toutes les précautions nécessaires. Concernant les examens d’imagerie, leur maintien ou leur report doit être considéré en tenant compte de leur importance et de leur impact dans le choix de la stratégie de traitement.

  • Il faut suivre les recommandations du groupe ONCORIF :
    (https://www.oncorif.fr/2020/03/coronavirus-recommandations-et-contenus-fiables/). Dans la mesure du possible, maintenir la tenue des RCP avec un triple objectif : ne pas retarder la prise en charge des patients qui en ont besoin ; ne pas mobiliser inutilement les médecins non absolument nécessaires à la discussion ; ne pas favoriser la transmission du virus entre les médecins de la RCP. Il est vivement conseillé de privilégier la mise en place de réunions dématérialisées, en s’appuyant sur la visioconférence ou la téléconférence, y compris si les médecins exercent dans le même établissement.

  • 2.1. Pour le cancer du col :
    La place de la chirurgie doit être ré-évaluée par rapport à la radiothérapie et la Radio-Chimiothérapie-Concomitante à chaque fois que cela est possible. En particulier, l’intérêt des chirurgies de stadification ganglionnaire doit être revu au cas par cas en fonction du terrain, des résultats des examen d’imagerie et du stade de la maladie. En l’absence de l’identification d’un reliquat tumoral post-thérapeutique, il n’y a pas lieu d’indiquer une chirurgie de clôture.

    2.2. Pour le cancer de l’ovaire :
    Pour les cancers de stade avancé qui peuvent nécessiter le recours à la réanimation postopératoire pour la chirurgie de cytoréduction, il convient de privilégier la chimiothérapie néoadjuvante même si la chirurgie de cytoréduction première pourrait être envisageable. Il est licite de ne pas proposer la chimiothérapie hyperthermique intra-péritonéale (CHIP) aux patientes en période de pandémie COVID-19 et saturation des moyens de réanimation. Pour les cas des patientes qui doivent bénéficier d’une chirurgie d’intervalle après 3 ou 4 cycles de chimiothérapie et qu’il existe des contraintes d’accès au bloc opératoire liée à la crise du COVID-19, il est possible de poursuivre la chimiothérapie et de proposer une chirurgie de clôture après 6 cycles de chimiothérapie. La patiente devra alors bénéficier au décours de la chirurgie de clôture d’au moins deux nouveaux cycles de chimiothérapie (en accord avec les RPC de l’INCa https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-despublications/Synthese-Conduites-a-tenir-initiales-devant-des-patientes-atteintes-d-uncancer-epithelial-de-l-ovaire).
    Pour les cancers de stade de l’ovaire de stade présumé précoce sur pièce d’annexectomie, en cas de saturation des moyens d’anesthésie réanimation, la chirurgie de restadification peut être différée de 1 à 2 mois.
    En cas de saturation des moyens d’anesthésie-réanimation, pour les images suspectes de cancer de l’ovaire sur masse ovarienne isolée à l’imagerie, il convient de privilégier une stratégie en 2 temps : annexectomie sur la masse suspecte et décision de stadification chirurgicale complète sur analyse histologique définitive et décision de RCP.

    2.3. Pour le cancer de l’endomètre :
    Les cancers de stade précoce :
    Le traitement chirurgical reste le traitement de référence pour le cancer de l’endomètre de stade précoce. La voie mini-invasive coelioscopique robot-asssistée ou non est la voie d’abord à privilégier. En cas de risque ESMO pré opératoire faible et intermédiaire, privilégier une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale associée à une procédure du ganglion sentinelle. Il est licite d’envisager le report de 1 à 2 mois de la chirurgie dans les cancers de l’endomètre de bas risque (stade FIGO Ia sur l’IRM et cancer endométrioïde de grade 1-2 sur la biopsie endométriale) s’il n’existe aucun élément de discordance sur le bilan initial, d’autant plus que la patiente serait âgée et/ou avec des comorbidités, sans perte de chance oncologique pour la patiente.
    Pour les risques ESMO élevés relevant d’une stadification par curages pelviens et lombo aortique il convient de tenir compte des comorbidités et du terrain (obésité, traitement anticoagulant, diabète, âge). Dans ce contexte, il semble légitime de privilégier l’algorithme du MSKCC (associant TEP TDM et procédure du GS) afin d’omettre les curages qui augmentent le risque de complications per- et post opératoire et donc le risque d’avoir recours à une prise en charge réanimatoire post opératoire.

    Pour les cancers de l’endomètre de stades avancés III et IV, le traitement médical premier doit être privilégié.
    Pour une suspicion de cancer de l’endomètre :
    Pour une patiente qui présente des métrorragies post-ménopausiques et un épaississement endométrial à l’échographie, il convient de privilégier le prélèvement endométrial en consultation (pipelle) et l’hystéroscopie diagnostique en consultation doit être évitée si non réalisée dans le même temps (afin de limiter le nombre de déplacement de la patiente). En cas de bilan diagnostique non contributif, il convient de moduler la date de la réalisation de l’hystéroscopie diagnostique et curetage biopsique en fonction du degré de suspicion de cancer de l’endomètre et des contraintes d’accès au bloc opératoire. Si le risque de cancer paraît faible et la patiente âgée, il est légitime de différer le geste sous anesthésie générale pendant la période de confinement.

    2.4. Pour les cancers de la vulve :
    La chirurgie reste le traitement standard des cancers vulvaires, et est le plus souvent le seul traitement à proposer, il convient de ne pas modifier la prise en charge habituelle. Cependant, ce cancer touche souvent les personnes âgées, en cas de tumeur peu avancée chez une patiente âgée, la prise en charge peut être différée de quelques semaines. Il convient de limiter la durée de l’hospitalisation post-opératoire en privilégiant les soins à domicile.
    Lorsque la prise en charge chirurgicale nécessiterait le recours à une chirurgie très délabrante/lourde (amputation), il convient de discuter en RCP le recours à une radio chimiothérapie concomitante.

    2.5. Pour le cancer du vagin :
    La grande majorité des patientes va se présenter avec un stade avancé et nécessiter un traitement par radio/chimiothérapie/ curiethérapie exclusif. L’intérêt des chirurgies de stadification ganglionnaire doit être revu au cas par cas en fonction du terrain, des résultats des examens d’imagerie et du stade de la maladie.

    2.6. Pour les tumeurs trophoblastiques :
    Les tumeurs trophoblastiques sont considérées comme curables mais ont un potentiel métastatique élevé. Ceci justifie de maintenir la prise en charge de ces jeunes patientes sans délai.
    – Concernant les tumeurs trophoblastiques à bas risque (score FIGO ≤6), la gestion du méthotrexate à domicile devrait être privilégiée afin d’éviter les 4 injections de chaque cure en HDJ.
    – Concernant les patientes à haut risque, les schémas de polychimiothérapie, aucun délai n’est souhaitable compte tenu du caractère généralement multimétastatique d’emblée.
    Enfin concernant le traitement des môles hydatiformes, l’aspiration curetage sous contrôle échographique reste le standard et ne devrait pas être remplacé pas une évacuation médicamenteuse à risque élevé de rétention.
    Le Centre Français de Référence des Maladies Trophoblastiques se tient à disposition pour discuter au cas par cas et si besoin fournir le protocole de traitement par méthotrexate à domicile (touria.hajri@chu-lyon.fr).

  • Concernant les suivis post-thérapeutiques oncologiques, il convient de différer les consultations de deux mois (donc après la période de confinement), car il n’existe pas de perte de chance évidente. Il est possible de proposer un suivi par téléconsultation quand les outils techniques à disposition le permettent, cependant le suivi du cancer de l’endomètre et/ou du col repose sur l’examen clinique, ce qui ne pourrait être remplacé par une téléconsultation, et éviter une consultation de suivi 2 mois plus tard.